milkLetter 5 – Florine : “Je pensais être préparée à allaiter”.

Pour cette 5 ème Milkletter, c’est Florine qui s’est laissée porter par l’exercice du témoignage écrit. 

Florine allaite depuis 3 mois et non sans mal.  Dès la première minute cela s’est avéré plus compliqué que ce qu’elle avait imaginé. Douleurs, prise en charge peu soutenante, faible prise de poids pour sa chouchoute. Alors voilà typiquement une histoire ou l’allaitement tant souhaité aurait pu péricliter. Mais c’était sans compter sur la volonté sans faille de Florine, et le soutien précieux de son entourage. 

Florine s’est battue, et elle y est arrivée, elle allaite exclusivement sa petite Sarah depuis 3 mois, et on lui souhaite une aventure aussi longue qu’elle le souhaite.

Voici l’histoire de démarrages rocambolesques :

« Je m’appelle Florine, j’ai 26 ans, j’ai une merveilleuse petite fille d’un peu plus de 3 mois qui est toujours allaitée. Je suis également pharmacienne, plus précisément étudiante en 6ème année de pharmacie validée en cours de rédaction de thèse. Ce qui implique que je peux travailler comme pharmacienne remplaçante le temps que je rédige ma thèse.

Je pensais être préparée à allaiter. J’ai eu 2-3 heures de cours sur l’allaitement maternel pendant mes études et je suivais quelques comptes instagram qui en parlaient un peu. J’avais prévu mon tube de miel médical et ma lanoline. Décidée à tout faire pour allaiter, j’ai accouché avec l’angoisse de ne pas réussir mon allaitement, ça aurait été un tel échec pour moi… Je me suis mis une pression de dingue. Mon objectif est de 2 ans d’allaitement, tout du moins le principal est de tenir au moins 1 an. 

Mon accouchement s’est « bien passé », je n’ai eu aucune douleur. J’attendais avec impatience la tétée d’accueil. Mais ma petite Sarah n’arrivait pas à prendre le sein et hurlait. Je n’arrivais pas à bien me positionner toute engourdie de la péridurale. On m’ordonnait de garder le bras en l’air à cause de la perf, pas simple d’aider bébé avec un seul bras. L’auxiliaire puéricultrice a poussé la tête de mon bébé sur le sein plusieurs fois jusqu’à ce que Sarah prenne le mamelon. Ça nous a paru violent, mais aussi bien mon mari que moi étions sonnés par toutes ses émotions et n’avons pas réalisé à quel point ça peut traumatiser un bébé… Ma Sarah a tété que 5-10 minutes. C’était agréable comme sensation, mais elle s’est vite décrochée. Nous étions seuls avec bébé. Je sentais qu’elle n’avait pas pris suffisamment, mais nous n’arrivions pas à la replacer. C’était la pause, on a attendu que l’équipe ait fini de manger pour que quelqu’un nous aide. Quand quelqu’un est revenu, bébé dormait. La tétée d’accueil était finie. Un peu déçue, nous sommes vite retournés en chambre et j’ai remis très rapidement ma fille au sein.

La première nuit a été vraiment compliquée. Sarah demandait énormément… pendant des heures… On nous a dit : « c’est un bébé qui a un fort besoin de succion, vous avez une tétine ? ». Je ne souhaitais pas donner de tétine, je n’en avais même pas acheté. Le lendemain, on a craqué, mon mari a été en acheté une…

J’ai fini par avoir les bouts de sein abîmés, mais je respectais l’allaitement à la demande. A chaque début de tétée, sa succion me faisait affreusement mal, elle lâchait le sein souvent et avait des difficultés à s’y accrocher. Elle pleurait toujours beaucoup à chaque fois.

Le jour de la sortie, Sarah avait perdu plus de 10% de son poids. L’auxiliaire puéricultrice m’a dit :« Faudra lui donner un biberon avant de sortir… Vous verrez avec le pédiatre », a-t-elle ajouté en voyant ma réticence. Le pédiatre a autorisé la sortie et ne nous a pas parlé de compléments.

On nous a donc laissé sortir 2 jours et demi post-accouchement, je n’avais pas encore eu ma montée de lait. C’était d’ailleurs sûrement à cause de cela que Sarah avait trop perdu… « Le colostrum est très nourrissant mais juste avant la montée de lait il peut ne pas suffire », nous a-t-on dit à la maternité. Et de toute façon, une sage-femme libérale passerait deux fois au cours de la semaine qui suit pour vérifier que tout va bien.

Le premier jour à la maison, les tétées étaient tout aussi douloureuses. Mon mari, impressionné de voir sa fille comme sa femme en pleurs à chaque tétée, m’a pressée d’acheter une boîte de lait artificiel et un biberon, au cas où pour la nuit. En dernier recours, j’ai acheté des bouts de sein, tout s’est solutionné avec. Plus de douleurs, Sarah arrivait à prendre le sein et semblait être rassasiée avec mon lait. 

Aux alentours de 9 jours de vie, ma fille a commencé à se réveiller en pleurs 10 minutes après chaque tétée et ça pendant plusieurs jours… J’ai cru à un pic de croissance, puis aux coliques. C’est au cours du rendez-vous médical de ses 2 semaines que l’on m’a dit après l’avoir pesé :
« Elle n’a pas de coliques votre fille, ce qu’elle a c’est qu’elle est affamée ! Elle ne fait que 2kg900… ». Sarah faisait 3kg à la sortie de la maternité… En voyant mon air catastrophé, le docteur m’a répondu :
« Non, mais rassurez-vous elle est tonique pour un bébé déshydraté ! »
« Déshydratée ???!! »
« Euhh non non pas déshydratée… mais elle est affamée ! Vous n’avez peut-être pas assez de lait. Vous buvez combien de litres d’eau par jour ? Seulement 2 litres ??? Mais de cette chaleur, c’est au moins 5 ou 6 litres qu’il faut boire !! Va falloir lui donner un complément, vous avez une boîte de lait chez vous ? »

Ce soir-là, j’ai eu le cœur brisé de donner des compléments de PCN (préparation commerciale pour nourrissons ) à ma fille, de ne pas avoir vu qu’elle était affamée depuis plusieurs jours. Dans ce tourbillon, je n’ai même pas pensé à tirer mon lait. Grâce à ces comptes insta d’informations sur l’allaitement, j’ai eu le réflexe de contacter une consultante en lactation certifiée IBCLC, qui a pu passer en urgence le lendemain. La consultante a corrigé mes positions et a remarqué que ma fille hurlait, qu’elle avait beaucoup de difficultés à se calmer. Elle a compris tout de suite qu’on avait « poussé sa tête » à la maternité et qu’elle était traumatisée… Quelque chose clochait dans la succion également, peut-être des freins restrictifs. Elle me signifie l’urgence d’aller chercher un tire-lait pour complémenter au lait maternel, me conseille d’éviter les biberons absolument et me donne les coordonnées d’une ostéopathe spécialisée en freins restrictifs. Les bouts de sein peuvent diminuer la lactation, il faut tenter d’allaiter sans. Très rapidement nous n’en avons plus besoin et les douleurs aux mamelons ne sont pas revenues. 

J’ai été dans la pharmacie qui m’emploie et dans l’urgence ai pris le dernier tire-lait qu’ils avaient : un kittet… Je savais que ce n’était pas le meilleur tire-lait, mais je n’imaginais pas qu’il y ait une différence aussi importante avec les bons tire-laits en termes d’efficacité. J’ai commencé à donner des compléments au biberon seulement après les tétées, Sarah s’énervait beaucoup à la seringue. En peu de temps, j’ai fini par tire-allaiter presque exclusivement, car elle ne tétait pas grand-chose au sein. Je lui proposais toujours pour maintenir ma lactation, et au bout de plusieurs semaines, de câlins en position BN (biological nurturing), suivis de tétées réconfort, Sarah n’a plus semblé traumatiser par l’évènement de la maternité. 

Mon tire-allaitement exclusif aura duré presque 2 mois. Les débuts étaient éreintants. Les tirages étaient longs pour qu’une trentaine de ml et ça malgré les compressions des seins… Le tirage à peine terminé, Sarah semblait avoir faim à nouveau. Les mots de ce médecin « votre fille est affamée » m’ont obnubilé pendant des semaines…

La consultation de l’ostéopathe a permis de repérer des freins restrictifs de lèvre, de joues et de langue postérieur de type 3. Nous avons fait les étirements et exercices pré-fréno pendant 7 semaines au total.

Pendant toutes ces semaines, mon mari et moi n’arrivions plus à nous occuper seuls de Sarah. Sarah dormait très peu, entre 8 et 10h/24h et régurgitait beaucoup. Nous avons dû aller vivre chez mes parents pour avoir plus d’aide. Je n’arrivais pas toujours à tirer suffisamment de lait. Quelque fois, j’arrivais à avoir un biberon de lait maternel d’avance, ce qui me permettait une petite sortie d’1h.

La succion de Sarah était de pire en pire, peut-être à cause du biberon… Il fallait trouver une solution. Une fois que j’ai eu le matériel nécessaire, j’ai utilisé un DAL pendant 2 semaines. C’était tellement lourd de nettoyer les éléments du tire-lait, du DAL, de tirer mon lait 4 à 6 fois par jour, de m’occuper de ma fille qui ne dormait pas, de lui faires les exercices… Au moins, ce dispositif m’aura permis de maintenir une lactation. Sarah s’épuisait au sein, même avec le DAL c’était dur pour elle. Des cloques sont apparues sur ses lèvres. Ça m’a fait peur, j’avais la sensation constante de torturer ma fille en m’obstinant à l’allaiter… J’ai abandonné le DAL et suis retournée au biberon en espérant qu’une confusion sein/tétine n’apparaisse pas…

Nous n’arrivions pas à faire les exercices toutes les 3 heures. Sarah régurgite de plus en plus, parfois en jet, grogne la nuit à cause de ses gaz qui la gêne, a des rots bien coincés, dort de moins en moins… Pendant ces longues semaines, je voyais vraiment mon bébé les bons jours s’éveiller petit à petit et les mauvais jours, souriait à peine, grimaçait… Il y a eu plus de mauvais jour, que de bons à cette période… Peut-être que c’est en partie à cause du frein, mais je sentais qu’il y avait quelque chose d’autre. 

Nous avons consulté 3 médecins et pédiatres différents.
« Si votre bébé ne dort pas et qu’il arrive à s’endormir sur vous, il faut faire du portage. Elle n’a que 2 mois, ça va passer. Et pour les régurgitations, si ce n’est pas en jet à chaque biberon et la totalité du biberon, on ne traite pas. »… Discours soutenu par une pédiatre spécialisée en allaitement maternel. C’est après des semaines et des semaines de régurgitations, qu’une autre pédiatre pose enfin le diagnostic de reflux gastro-œsophagien pathologique compliqué par une œsophagite. Peut-être que ce RGO est dû à une allergie aux protéines de lait de vache ? Pour le moment, on traite pour soulager mon bébé qui souffre depuis des semaines. Le traitement aura mis 3 semaines avant de commencer à soulager Sarah… Nous avons commencé un régime d’éviction des protéines de lait de vache. Mon mari m’accompagne et me soutient comme toujours en faisant le régime également.

Par chance, nous avons eu un rendez-vous pour une frénectomie rapidement avec un ORL réputé grâce aux annulations dues au confinement. On fait notre possible pour faire les exercices un maximum, mais nous n’arrivons toujours pas à les faire toutes les 3 heures. Sarah n’est pas apaisée et nous la laissons dormir quand elle y arrive. 

La frénectomie réalisée, Sarah arrive à téter correctement et sans me causer de douleurs. C’est une angoisse de l’allaiter sans filet de sécurité, sans avoir de biberon de lait maternel sous la main. Est-ce que je vais me rendre compte cette fois-ci, si elle est affamée ? Mais elle tête bien, quel soulagement de ne plus tirer mon lait ! Les tétées sont un pur bonheur. Quelle satisfaction de voir ma fille déglutir et entendre mon lait coulé dans sa gorge, après tout ce combat.

Le post-fréno est difficile malgré tout. Nous ne savions pas qu’un rebond de RGO était possible. Les exercices sont de plus en plus laborieux, voire infaisables. Sarah semble souffrir sans arrêt. Mais au lieu de s’atténuer, le RGO continue de s’accentuer. A ce stade, nous n’arrivons plus du tout à sortir, car Sarah fait ce que l’on appelle un « refus de cosy ». Nous la portons quand nous pouvons, mais notre cosy est aussi notre siège auto… Pour nous soulager, nous avons investi dans un nouveau siège auto qui la maintient plus droite. Il faut essayer de patienter le temps que le régime d’éviction fonctionne et que le RGO s’estompe. 

Des adhérences se sont formées sous la langue, le chiropracteur les casse. Ce moment est difficile, Sarah saigne, hurle et n’arrive pas à se calmer dans nos bras… Finalement, une semaine après le frein aura commencé à se reformer et c’est irréversible… La seule chose que nous pouvons faire c’est intensifier les exercices pour qu’il soit le plus souple possible… Nous y arrivons enfin, car Sarah va de mieux en mieux, probablement à cause du régime. 

Nous soupçonnons d’autres allergies tout de même. Nous avons consulté une pédiatre allergologue, mais selon elle, pour que Sarah dorme mieux, il faut déstresser un bon coup et espacer les tétées de 3 heures pour lui donner un rythme. Cette pédiatre était très culpabilisante, tout était de ma faute et ne m’a pas du tout aidé en ce qui concerne les allergies.

A 5 semaines post-fréno, Sarah a maintenant 3 mois et 12 jours, elle gazouille, sourit et a fait son premier rire il y a quelques jours. Le frein est très légèrement restrictif, ma petite battante devient tout de même une bonne têteuse. Ce n’est pas parfait, pourtant le principal, c’est que ça se soit amélioré et que mon allaitement ne soit plus en danger. Ce quatrième trimestre était très intense, éprouvant. Du jour au lendemain, il y a eu un déclic, tout a été mieux.

Parmi toutes ses difficultés, j’ai eu la chance de ne pas avoir beaucoup de douleurs, malgré les freins de Sarah, d’avoir une famille aidante, un mari en télétravail, d’avoir été prise rapidement pour la frénotomie quand ça n’allait plus, d’avoir des voisins formidables qui nous ont apporté plus d’une fois de bons petits plats… Tout ça m’est arrivé malgré ma situation de « professionnelle de santé », alors j’espère que cette histoire aura pu déculpabiliser ou soulager d’autres mamans. 

L’interview Fast-Milk !!

  • Ta tétée insolite ? 

La première nuit de retour de la maternité, Sarah demandait presque toute la nuit. J’étais assise au bord du lit avec bébé en position de la madone et complètement épuisée. Mon mari s’est assis derrière moi, une jambe de chaque côté, pour que je puisse m’adosser sur son torse et me reposer. C’était une tétée à 3 !

  • Le truc le plus glamour qu’il t’ait été donné de vivre durant l’allaitement ?

Les petits jeux de main pendant les tétées <3

  • Ta position préférée dans le Kâma-Sûtra de l’allaitement ?

Allongée sur le côté

  • Si en un mot tu pouvais me résumer ton allaitement ?

Persévérance !