milkLetter 3 – Anaïs : Se découvrir et se révéler mère allaitante.

Cette Milkletter vous est proposée par Anaïs. Bébé surprise, choix d’allaiter ou ne pas allaiter , Anaïs s’est faite saisir par la maternité, s’est renseignée, a tenté, s’est laissée porter, ca fonctionne , c’est simple et selon ses mots :
« voilà, ce n’est pas l’histoire d’un combat, ni une histoire à faire pleurer dans les chaumières, ce n’est pas une victoire envers et contre tout, c’est juste le résultat d’une réflexion et d’une information sur un sujet qu’on connait trop peu. Alors si ma modeste histoire peut aider certaines personnes dans leur recherche d’informations pour faire un choix éclairé je suis ravie de la partager »

Je laisse Anaïs vous raconter.

À l’origine, je ne voulais pas vraiment d’enfants, enfin, j’avais 25 ans, je venais de signer un CDI pour un poste à responsabilités, j’aimais être libre, vivre au jour le jour, et le sujet bébé n’était pas vraiment au programme. Je pensais même que si un bébé se présentait, j’aurais probablement recours à une IVG étant donné que pour moi ce n’était vraiment pas le moment.

Et puis c’est arrivé, un polichinelle dans le tiroir comme on dit, un “accident” (aujourd’hui on parle plutôt de surprise). Mon monde s’est écroulé.

Je suis donc allée voir mon gynéco avec la ferme intention d’avorter, mais une fois là-bas, impossible, je suis resté bloquée, je n’arrivais plus à parler je ne faisais que pleurer (merci les hormones). Et c’est donc après une semaine de réflexion, de discussion avec le papa, que je ne connaissais que depuis un mois et qui me disait “ton corps, tes choix. Quelques soit ta décision je serai là pour te soutenir”, de discussions avec ma maman, qui m’a dit “tu sais, de toutes façons ce ne sera jamais le “bon moment”, que nous avons décidé ensemble de garder ce bébé.

Après cela, la question du sein ou du biberon s’est naturellement posée, et je pensais très sincèrement donner le biberon, c’était une évidence pour moi. Je n’ai aucun modèle de femme allaitante autour de moi.

Mes deux sœurs ont bien essayé, mais à l’époque on se voyait assez peu à cause de mon travail en hôtellerie, je ne les ai donc jamais vu faire, et elles ont arrêté assez vite, pour des raisons que j’ignore, puisque ce n’était pas un sujet qui m’intéressait à ce moment-là. Et puis, mon frère et moi avons été biberonnés, tous les bébés autour de moi étaient biberonnés et tous se portent très bien.

Puis je me suis dit, allaiter au final c’est naturel, c’est comme ça que la nature nous a faits, c’est pour une raison, je vais me renseigner. Je n’étais toujours pas très à l’aise à l’idée de devenir mère, mais quitte à avoir un enfant, je tenais à lui donner le meilleur.

J’ai donc cherché sur internet. Mon premier support d’information en tout genre a très vite été l’émission “la maison des maternelles” qui est devenue mon rdv quotidien et grâce à laquelle j’ai eu tout un tas d’informations, notamment sur l’allaitement. J’ai lu des articles, des livres, j’ai commencé à suivre des comptes de femmes allaitantes sur les réseaux sociaux, j’ai rejoint des groupes de jeunes mamans. 
Nous en avons beaucoup parlé avec mon conjoint qui me disais encore là même chose : « ton corps, tes choix ! » J’avais beaucoup d’a prioris, notamment la question de la place du papa. Celui-ci a très vite disparu quand j’ai compris qu’un bébé a besoin de bien plus que de manger et dormir. Nous avons donc opté pour l’allaitement. Je me suis posé la question de la reprise du travail également, et j’ai vite laisser tomber en me disant que j’avais le temps.

Au fur et à mesure de mes lectures j’ai découvert des histoires d’allaitement compliquées : douleurs, crevasses, freins restrictifs, et à vrai dire très peu de belles histoires. On s’est donc dit, allez, on donnera la tétée d’accueil, et on verra comment ça se passe. Si ça s’engage mal, bébé aura au moins eu le colostrum et puis on reviendra au biberon.

Je ne m’étais fixé aucun objectif, parce qu’en cas d’échec, je sais que je l’aurais mal vécu, moi qui suis très exigeante envers moi-même.

Et puis nous y voilà, jour J, notre petite Sophie vient au monde. L’accouchement se passe bien. Nous avions pour projet de faire profiter le papa du premier peau à peau pendant qu’on s’occupait de moi, que je récupère un peu aussi, mais ça n’a pas duré longtemps. Sophie a réclamé le sein peut-être cinq ou dix minutes après sa naissance. Les sage-femmes et auxiliaires de puériculture m’ont aidée pour cette première mise au sein. Sophie nous a montré tout de suite qu’elle était une vraie championne de la tétée. On a vérifié, elle est bien installée, elle déglutit bien, le personnel a donc quitté la salle d’accouchement pour nous laisser profiter de cette rencontre en toute simplicité intimité, moi, mon conjoint et notre tout nouveau bébé.

Avec le recul je me rends quand-même compte que nous étions livrés à nous mêmes. Nous aurions pu appeler en cas de soucis bien-sûr, mais nous sommes restés tous les trois seuls pendant une heure. Pendant une heure, Sophie n’a pas lâché mon sein. Ce qui m’a valu une jolie crevasse.

Le séjour en maternité s’est globalement bien passé, j’appliquais les consignes qu’on m’avait données, à savoir allaitement à la demande bien-sûr, mais on m’avait dit “pas plus de 15 minutes par sein”. A ce moment-là il y avait beaucoup de choses que j’ignorais, je n’avais par exemple jamais entendu parler de la nuit de la java et oui ce soir-là j’ai craqué et j’ai confié mon bébé. Nul doute qu’elle a été complémentée à ce moment-là, mais personne ne m’a rien dit. J’ai confié mon bébé, et j’ai dormi toute la nuit. A aucun moment on ne m’a rapporté ma fille pour la faire téter.

Ma montée de lait est arrivée à J+3 et nous sommes sortis à J+4.
Aujourd’hui je me rends compte que, même si le personnel était extrêmement bienveillant et qu’ils ont tous fait de leur mieux pour nous, clairement il y a un manque de formation des équipes médicales autour de l’allaitement.

De retour à la maison, il nous a fallu trouver nos marques, notre rythme. La sage-femme du Prado vient nous rendre visite et est très fière de notre choix d’allaitement, elle constate que tout fonctionne parfaitement bien et s’en va satisfaite.

A ce moment-là j’ignorais ce qu’était un pic de croissance et je ne comprenais pas pourquoi mon bébé passait toute ses journées collée sur mon nichon. J’ai cru comme beaucoup de femmes que je n’avais pas assez de lait. Ça me paraissait pourtant illogique parce que j’avais les seins gonflés, et le lait coulait à la moindre pression, au moindre pleur de bébé. La nuit mes draps étaient trempés et le matin mes seins me faisaient mal tellement ils étaient pleins. Ma fille semblait s’étouffer lors de la tétée du matin et régurgitait en jets impressionnants.

J’ai pris peur, je suis allée consulter ma sage-femme qui m’a expliqué que j’avais un REF et m’a suggéré de tirer mon lait le matin au réveil avant la tétée pour diminuer la pression. Mais en dehors de ça, tout allait bien. Elle m’a ensuite demandé quel était mon projet au sujet de l’allaitement. Consciente que le congé maternité se terminerait rapidement, je lui ai expliqué que j’aimerais allaiter au moins jusqu’à la reprise du travail et anticiper celle-ci. 
Nous avons donc parlé tire-lait, législation (car l’employeur ne peut refuser à une femme de tirer son lait sur son lieu de travail) et organisation.

Nous avons commencé à laisser papa donner mon lait tiré dans un biberon, mais il n’y avait rien à faire, Sophie n’en voulait pas et hurlait jusqu’à ce que je cède et lui propose le sein. Nous avons donc terriblement angoissé : que se passerait-il si notre fille refusait de prendre le biberon chez la nounou pendant mon absence. Allait-elle se laisser mourir de faim. Et puis un jour j’ai dû m’absenter de la maison pendant plusieurs heures, la boule au ventre de laisser mon bébé seul sans sein. Elle a pleuré pendant longtemps, elle avait faim et réclamait le sein, mais je n’étais pas là et ce jour-là elle a compris que même si je n’étais pas là, il y avait du lait pour elle, et elle a pris le biberon juste avant mon retour. Nous étions soulagés.

Alors oui le biberon, là encore, même si j’avais eu accès à beaucoup d’informations, je ne savais pas tout et n’avais pas entendu parler du risque de confusion. Bref.

J’ai repris le travail, j’ai dû trouver une organisation pour tirer mon lait car ce n’était vraiment pas facile, j’ai changé plusieurs fois de technique avant de trouver ma routine.

Les semaines, puis le mois ont passé et nous avons commencé la diversification vers presque 6 mois. Jusque là Sophie n’avait jamais rien eu d’autre que mon lait. On peut donc dire que nous avions tenu six mois d’allaitement exclusif, selon les recommandations de l’OMS. 

Comme tout fonctionnait bien, nous avons décidé de poursuivre l’allaitement. J’ai continué à me renseigner, j’ai appris plein de choses au fur et à mesure que le temps passait, sur les recommandations, sur les allaitements longs ou écourtés, sur les risques de confusions.

Je n’aime pas ce terme, pour moi un bébé ne peut pas se tromper entre le sein de sa mère et la tétine d’un biberon, je l’ai d’ailleurs bien constaté avec ma fille qui refusait le biberon si elle me savait à proximité. Je pense qu’il s’agit plutôt d’une très nette préférence et que pour certains bébés la tétine permet plus de lait avec moins d’efforts. Mais c’est un autre sujet.
Chez nous, Sophie savait bien que chez la nounou il y avait le biberon et quand maman était là c’était open nibards.

Vers 8 mois, elle a commencé à réduire très nettement les quantités de lait qu’elle buvait en journée, mais elle se rattrapait la nuit. Puis elle a simplement cessé de boire du lait chez la nounou. Je donnais toujours un biberon au cas où, mais il fallait se faire à l’évidence : le lait c’était à la source uniquement, ou pas du tout. Moi qui avais décidé de ne pas me mettre la pression et de laisser ma fille choisir de combien de temps son allaitement durerait, j’avoue, j’ai eu peur que ça se termine. Mais non, elle ne buvait plus de lait en journée, mais elle se rattrapait bien la nuit.

Et puis, il y a eu le confinement ! Je me suis retrouvé en télétravail avec mon bébé koala sangsue scotché sur ma poitrine toute la sainte journée, mais ça nous a permis de nous retrouver et de faire le plein au niveau émotionnel.

Nous avons continué l’allaitement ensemble, je l’ai toujours laissé nous guider, elle se fait d’ailleurs très bien comprendre quand elle veut le sein ! Nous avons fêté les 9 mois de Sophie, qui est un âge hautement symbolique, et donc 9 mois d’allaitement également.

Depuis ses 6 mois je n’ai plus d’objectif d’allaitement. J’ai décidé de laisser les choses se faire, persuadée que Sophie sait ce qui est bon pour elle. C’est une experte comme le dit souvent Ergomums sur Instagram.

Depuis ma reprise du travail après cela je n’ai plus tiré mon lait, à part quand j’ai dû la faire garder plus de 24h. Nos tétées, que ce soit le matin ou la nuit, sont nos moments de retrouvailles. Même si me lever plusieurs fois la nuit est parfois fatigant, je le fais de bon cœur car aujourd’hui je sais qu’il ne s’agit pas seulement d’alimentation mais aussi de sécurité affective.
Ma lactation n’a pas chuté, elle s’est adaptée. Il y a des jours plus difficiles, à cause du stress ou de la fatigue, mais tout va bien.
Sophie a eu un an en juillet. Cette année est passeé à une vitesse folle. Et je me dis wouha, j’ai allaité ma fille pendant un an ! C’est dingue !

L’allaitement a été pour moi une révélation. Je ne suis sans doute pas la meilleure mère du monde, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre, je n’ai d’ailleurs jamais cessé de chercher l’information, et l’allaitement comme tous les sujets de la parentalité a encore des secrets pour moi. Mais l’allaitement tient une place très importante dans ma vie, dans notre relation mère/fille et j’ai au moins la satisfaction d’avoir donné tout ce que j’avais de meilleur en moi à mon bébé. L’allaitement, j’en ai fait mon cheval de bataille. Je ne juge aucunement les mères qui choisissent de donner le biberon, je déplore juste que ce choix ne soit pas fait plus souvent en pleine connaissance et qu’il soit souvent induit par la société “parce que c’est comme ça et c’est très bien”. Ma sœur me disait d’ailleurs récemment que c’est fou comme je m’enflamme sur ce sujet entre autres, alors qu’il y a deux ans j’en avais encore rien à faire.

Aujourd’hui, nous sommes à 14 mois d’allaitement. 14 mois d’allaitement absolument parfaits, avec des questions, des doutes mais surtout beaucoup de lâché prise. Mon crédo n’a pas changé, je laisse Sophie me guider, elle sait de quoi elle a besoin. Bien-sûr, comme j’ai tendance à me projeter un peu, je me demande comment on fera au moment de sa première année d’école, même si on a encore le temps. Je me demande également comment ça se passerait si un petit deuxième devait se présenter. L’allaitement pourra-t-il continuer ? Pourra-t-on co-allaiter ? Je ne sais pas, mais je pense que le mieux pour nous c’est d’arrêter d’y penser, on verra bien. Plus le temps passe et plus j’ai envie d’aller jusqu’au sevrage naturel !

Oui c’est bien moi qui dis ça, moi qui ne voulais pas allaiter, je ne jure aujourd’hui que par la magie de mon corps qui nourrit mon enfant de lait et d’amour.

Bon après, je dois être honnête sur un point. J’ai eu la chance d’avoir un partenaire présent avec moi pendant un mois après la naissance (je croise les doigts pour l’allongement du congé paternité) il a toujours été, et il est encore aujourd’hui très soutenant. Je pense que sans lui je n’aurais pas eu la force de continuer. Il est mon roc et je sais que je peux parler de tout avec lui sans avoir peur d’être jugée. J’ai la chance d’avoir un entourage bienveillant. Bien que certains me posent parfois la question “tu allaites encore? ” Je sais que c’est plus de l’interrogation que du jugement. Personne ne s’est jamais permis de me critiquer ou me juger, et c’est vrai que ça aide quand on n’a pas besoin de se battre contre les préjugés et les mauvaises langues. Autour de moi, certains trouvent ça magnifique, d’autres n’osent tout simplement pas en parler ou poser leur question de peur d’être déplacé. Mais moi je suis en paix avec mes choix et je n’ai aucun mal à en parler. Alors je dois quand même remercier mes proches de me soutenir dans mes choix (même belle maman 😉 )

L’interview Fast-Milk !!

  • Ma tétée la plus insolite ? 

Outre les tétées acrobatiques puisque Sophie devient un bambin, je dirais que c’est la tétée urgente que je n’ai absolument pas pu repousser alors que j’étais au petit coin  pour… faire ce qu’on fait d’habitude dans ces endroits là. Super timing !

  • ma position préférée ?

La madone, la plus confortable pour moi, surtout la nuit dans mon fauteuil à bascule

  • Le truc le plus glamour ?

les régurgitations en jets hyper puissants directement après la tétée, droit dans le décolleté. Ca, et les douches de lait surprise grâce au REF !

  • Un mot pour résumer ton allaitement ?